Mon histoire sur la force du lien du sang

Article : Mon histoire sur la force du lien du sang
Crédit: Iwaria

Mon histoire sur la force du lien du sang

Mon histoire se déroule entre 1997-1998. Je vivais à Uvira, une petite ville située dans l’est de la République Démocratique du Congo, longée à l’est par le Lac Tanganyika et à l’Ouest par une chaîne des montagnes, la chaîne des Mitumba. La ville venait d’être libérée par l’armée de Mzee Laurent Désiré Kabila. A ce moment-là,  ça sentait la peur partout. Pour la première fois, on entendait régulièrement les crépitements des balles, on voyait des morts par dizaines sur les routes, certaines familles entières décimées. Bref, une vraie définition de ce que c’est l’horreur !

Laurent-Désiré Kabila (qu’on appelait affectueusement « Mzee », par respect pour sa personne), notre libérateur, était apprécié par la majorité de la population à cette époque. Cependant, il y avait aussi une certaine méfiance, car il avait fait entrer des troupes armées étrangères : des Rwandais, des Ougandais et des Burundais… En plus de cela, les Nilotiques du Congo, les Banyamulenges, étaient majoritaires dans cette armée qui avait participé à la libération d’Uvira. On ne pouvait rien faire. Juste vivre avec ! Il y eut alors une période des règlements de compte, d’enlèvement des certaines personnes ou l’extorsion de leurs biens (maisons, voitures…). Ces hommes en armes étaient alors craints car ils s’imposaient par la force.

Etant jeune, âgé de 13 ans, je ne manquais pas de trucs à faire avec des amis pour nous amuser. On passait d’un jeu à un autre, voire même au vagabondage pour « tuer » notre temps. Et comme Uvira compte plusieurs rivières, on pouvait soit aller nous baigner, ou juste faire de la pêche comme à la ligne. C’était notre passe-temps. En plus de cela, j’aimais les oiseaux, non pour les garder mais pour les manger. J’allais souvent chasser des oiseaux avec ma lance-pierre. J’allais donc à la montagne, avec quelques amis, ou certains endroits un peu isolés pour chercher ces oiseaux. Et cela m’amusait beaucoup. Je pouvais tuer deux ou trois oiseaux par jour ou rentrer les mains vides.

Un jour, je suis parti avec mon grand frère et un autre ami pour chasser les oiseaux. Cependant, le lieu était à côté de plusieurs maisons et de l’autre côté, il y avait un camp militaire et une prison. Et c’est là qu’on devait chasser des oiseaux. Pendant quand on jetait des pierres ici et là, une pierre est allée atterrir sur la toiture d’une maison d’habitation. Il s’agissait d’une maison appartenant à un une famille de Banyamulenge (nilotiques du Congo), et comme je l’ai dit tantôt, ils étaient craints car plusieurs des leurs étaient dans l’armée. On était donc dans des salles draps ! Bientôt, on avait un homme très élancé à nos trousses. C’était le sauve qui peut !

On n’avait aucune chance, chacun de ses pas était comme trois de nos pas. Il courait très vite, car je suppose de là où il venait, dans les hauts plateaux, il avait une grande expérience de la marche en hauteur et savait courir vite. En peu de temps il avait attrapé mon grand-frère. Mon autre ami et moi avions eu la chance de ne pas être sa première cible. On regardait alors de loin et on pouvait soit continuer à courir ou revenir.  Qu’allait-il faire de ce jeune qu’il avait attrapé avec une lance pierre ? L’emmener à la prison, le taper lui-même ou quoi d’autre ? Personne ne pouvait le savoir. A cette époque sombre à Uvira, on pouvait mourir pour rien. Il n’y avait aucune justice. C’était la loi du plus fort.

Sans beaucoup réfléchir, je me décidai d’aller vers mon frère. J’étais prêt pour tout ce qui pouvait arriver. Mon frère c’est mon sang et la peur ne pouvait aucunement briser ce lien de sang. Si c’était la prison, j’étais déterminé à y aller avec lui. L’autre ami, avec qui on faisait la chasse, avait fui très loin, sans même se retourner pour faire quoi que ce soit. Nous étions donc seuls, deux frères pour être fouettés ensembles ou emprisonnés ensembles. On était unis par un lien plus fort que la peur ne pouvait même pas briser. L’homme nous tenait à sa merci. Et la direction était cette prison à côté de l’endroit de notre chasse. C’est ça la vie, avec son lot d’injustices que chacun doit subir un jour ou l’autre.

Soudain quelques braves femmes se mirent à suivre cet homme élancé et à parler en notre faveur. La discussion fut engagée. Les femmes africaines sont fortes pour négocier en faveur des causes qu’elles portent au cœur. L’homme prétendait que la pierre avait percé son toit. C’était simplement un mensonge, juste pour montrer que nous étions vraiment fautifs et méritions une punition sévère. Mais ces dames, courageuses, furent insistantes et persévérantes. Et bientôt, c’est elles qui gagnèrent la partie. L’homme accepta de nous libérer sans condition. Et nous fumes libres. Nous avions échappé de justesse au pire !

A notre arrivée à  la maison, nous avons décidé de ne rien raconter. Cette histoire ne fut jamais racontée à qui que ce soit  parmi les membres de notre famille, par crainte de nous exposer à d’autres ennuis. Cependant, la leçon que j’en ai tirée vaut de l’or. Un proverbe camerounais dit : « L’homme n’est fort qu’avec son frère ». On peut soit choisir d’être fort ou faible en associant son frère ou sa sœur dans une cause. Oui, c’est la leçon que j’ai retiré. Ensemble nous pouvons abattre chaque Goliath, aplanir chaque montagne ou combler chaque vallée. Trouvez quelqu’un qui serait prêt à lutter à vos côtés ou mourir avec vous et faites chemins ensembles. Vous irez loin.

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Commentaires

Jigga Christien Nizeye
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Tres fort mon pasteur jp. Congrats bro

Jean-Paul Amuri Lwesso
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Merci cher ami!
Nous devons laisser une trace écrite de notre passage sur terre à des génération future.

Jigga Christien Nizeye
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Tres bonne leçon pastor jp. Congrats bro

Rousseau
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C'est une histoire intéressante et riche d'enseignement. Notre région des Grands Lacs a connu beaucoup de scènes horribles.

Jean-Paul Amuri Lwesso
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Vous avez raison sans doute mon frère. Cette région des Grands Lacs a connu des atrocités sans nom. Il est temps que nos dirigeants s'attèlent à rebâtir et guérir les plaies de la population.